
Jadis, on l'appelait la « secrétaire ». Aujourd'hui, c'est l'« assistante >>. Et seuls les sots verront dans cette mutation sémantique un gadget, un de plus. Au-delà de l'ordinateur (qui a ses humeurs), du téléphone (vital, mais horripilant) et des dossiers (diaboliquement classés), la jeune femme commande. en effet, une véritable cabine de pilotage.
Sans elle... Mais comment peut-on dire « sans elle » ? Quand elle n'est pas là - car, malheureusement, ses concessions ne vont pas jusqu'à l'abandon des vacances - tout le monde peut vérifier, dans l'entreprise, malgré la qualité de l'intérim, que le chef n'est plus dans son assiette, que le service boite, que les transmissions grincent. La « bonne » assistante en effet, sait tout, voit tout, a le devoir dé parler peu et, seule, connaît les caprices des uns et des autres. Il y a des heures où il faut jouer les cerbères. D'autres où, sans insister, il convient de remettre le patron à sa place. Sans compter qu'il ne faut pas mélanger les genres. Lui dicte-t-il un texte qui n'a pas totalement son aval, au plus, elle toussote. Car la qualité première de l'intéressée, c'est de savoir - en usant de divers masques - s'adapter en permanence aux circonstances.
L'ambiance est-elle électrique ? Le peloton est-il engagé, parce que le temps presse, dans un sprint effréné ? Alors, elle « joue réglo », style jugulaire-jugulaire: pas d'écart, droit devant. Puis le « courant » s'inverse: coups de fil « perso », messages codés qu'il faut transmettre en évitant tout commentaire, « pots » organisés à la hâte. La vie, c'est de savoir perdre son temps.
On n'imagine pas à quel point, dans une société la secrétaire - pardon ! l'assistante- -est dépositaire de secrets. Si, vis-à-vis de l'extérieur, elle se tait, ne serait-ce que par « esprit maison », voire par patriotisme d'entreprise. en revanche quand elle se retrouve avec ses camarades, elles s'en racontent ! « Radio-moquette » comme elles disent. Car elles sont les premières à commenter, puis à relayer l'esquisse de l'esquisse d'un petit bout d'info qui, attrapé au vol dans un coin de couloir, fera ensuite le tour des bureaux.
Mais la force de l'assistante tient, d abordr à deux atouts. De ceux qui travaillent avec elle, elle connaît, à la longue, tout (ou presque tout). Et puis, elle est. avec son clan, la véritable mémoire de l'entreprise. « Sans elle... » Plaisanterie !