
Regardez le p'tit gars de la photo: en voilà un qui pousse la note et fait son boulot. Il ignore le play-back, donne des concerts, s'exprime peu. Tout est dit - et avec talent -dans ses chansons. Et pour le reste, silence radio.
Une espèce en voie de disparition, à l'image du bar-tabac en Luberon. Aujourd'hui, le chanteur confine à l'esprit lucide, au révolté permanent. Qui nous régale de sa logique et de ses raisonnements. A l'heure du jité, il souffre en direct: a) pour les Palestiniens b) pour les rocardiens; c) pour la chanson française.
Le chanteur pense juste. Il vomit le Front national, qui lui « fout la haine ». Déplore la guerre en Yougoslavie, « cette boucherie ». Dégaine son sac de riz siglé Basmati. Il votait naguère pour François Mitterrand et résume le foutoir à l'Est d'un pertinent: « Je crains pour nos nations amies l'exemple du Liban. » Ce joyeux drille choisit toujours le point de vue le plus élevé. Même s'il ne s'agit pas forcément du moins encombré.
Cet homme-là s'exalte à tous les combats. Il ne s'épargne pas. Une pétition: où dois-je signer ? Faut-il haranguer trois chalands en faveur des intermittents du spectacle ? Camarades, me voilà. Faut-il discuter des banlieues ? Il grimpe sur le premier tonneau et s'écrie: «Je viens ici soutenir mes frères. » Il gîte dans les beaux quartiers. Ce n'est pas le problème.
Il « comprend » les écologistes, il a défendu « Mastriche ». Il a toujours un fer au chaud. Jure-t-il de ne plus prononcer un mot ? Il le jure à une heure de grande écoute, le dimanche, juste avant le poulet-coquillettes.
Le chanteur ne chante pas toujours. Il pose pour de la mode. Bricole dans la pub. Sur clip, il ne bouge pas les lèvres: il « joue ». Sur scène, il s'économise et déclame. Des textes à consonance poétique, des «Un jour, dans les bas-fonds de Belem », des « Au synthé, mon cousin Jéjé », des « Il se passe quelque chose ce soir, non ? ». Il peut également fondre sur le créneau social, quarante-six minutes montre en main: « J'habite passage de la misère / De notre civilisation la pissotière... » Ça s'appelle du rap.
Doit-on le freiner ? Surtout pas. Furibard à juste titre, courroucé à raison, le chanteur est 100 % français. Un acharné du trépignement éthique. Il a lu « L'Insurgé », de Jules Vallès. Il connaît la musique.