Films

"THREE MEN AND A BABY" (1987)
COMMENTAIRES DES CRITIQUES FRANCAIS

Gilles Le Morvan, L'Humanité, 25 février 1988
"Trois hommes et un bébé» [......] Apporte-t-il quelque chose de neuf? Pas vraiment. Le scénario est calqué sur son modèle. Mais pour la pincée d'américanismes, on a eu la main lourde. A la place de la petite pharmacie où se déroulait le gag du choix des couches et du lait, on a un gigantesque supermarché. La petite fiesta du début du film se transforme en party chic de cent ou cent cinquante personnes. L'appartement des trois bonshommes occupe carrément tout l'étage d'un immeuble de grand standing. Et pourquoi pas des quintuplés à la place du bébé? L'humoristique étude de moeurs de Coline Serreau est devenue une comédie à gros budget qui ne veut trouver son efficacité que dans les moyens mis en oeuvre. Là-dessus se greffe un discours moral qu'on commence à trop entendre dans le cinéma américain. Par exemple, si la grand-mère ne veut pas s'occuper du bébé, ce n'est pas parce qu'elle part en voyage mais parce qu'elle en appelle au sens des responsabilités de son fils. On croirait presque entendre: "Occupe-toi de la gosse. Pendant ce temps, tu n'attraperas pas le SIDA". Tout cela est d'une sacré subtilité ! Bref, c'est raté.
[........]

Jean-Michel Frodon, Le Point, 22 février 1988
[.........]
Tout va bien ? Non, tout se complique. L'énorme machine des studios s'est mise en route: un, deux, trois, quinze scénaristes viennent mettre leur grain de sel; le changement d'échelle de l'entreprise modifie tous les rapports humains. [....] Les trois hommes [.......] ont maintenant des allures de cow-boys modernes, et ils partagent un appartement chic à New York; les dialogues ont gagné en rapidité ce qu'ils ont perdu en psychologie: voilà le poupon naturalisé américain.
[..........]

Jacques Siclier, Le Monde, 19 février 1988
[........]
On connaît, oui; on ne reconnaît pas. L'américanisation du sujet (avec des professions différentes pour deux des protagonistes) peut se concevoir. Mais les producteurs et les scénaristes ont "ciblé" tous les publics, y compris celui des enfants et adolescents. Il faut s'amuser seulement - à quoi bon réfléchir ? - des mésaventures de trois mecs empétrés dans les biberons et les couches.
[.......] La mise en scène de Leonard Nimoy est plate, fonctionnelle, même dans les séquences d'action ajoutées. Le dernier plan semble annoncer une future comédie musicale. [......]

A.T., Révolution, 19 février 1988
[...........]
Cela dit, fidèle à la tradition du rêve américain, cette version est plus luxueuse, dans les moyens mis en oeuvre pour la réaliser comme dans le cadre de vie et la situation sociale des protagonistes de l'histoire. Mais on regrette l'atmosphére faite d'émotion et de tendresse du film de Coline Serreau.

Anne Andrieu, L'Evénement du Jeudi, 18 février 1988
[....] Notre célebre Couffin est tombé pile au moment de la grande vague de conformisme moral et du retour aux vertus familiales aux Etats-Unis. A part ça, sans faire de chauvinisme, le remake n'a vraiment pas la grâce du film de Coline Serreau, et les interprètes américains ont l'air de ploucs à côté des acteurs de chez nous. Le bébé, lui, joue trés bien.

Maurice Fabre, France-Soir, 18 février 1988
Si l'histoire, à part quelques détails, est la même, la comédie américaine et ses recettes sont passées par là. Autrement dit. Ie traitement et l'interprétation.
Le moteur tourne plus vite. Dans la valse des petits pots, des couches-culottes, des biberons et des boites de talc, il n'y a pas un moment de répit. Ca galope, ça s'emballe, ça ne fléchit jamais. Même remarque pour l'intrigue policière qui vient se greffer sur celle des champions du biberon. Elle est menée avec une remarquable fluidité dans le suspense et l'efficacité.
[.........]

Didier Van Cauwelaert, Le Figaro, 17 Février 1988.
Dans Trois hommes et un couffin, les trafiquants étaient rigolos, les policiers inefficaces et la neige fondait sous les couches. Dans Trois hommes et un bébé, un flic compétent arrête les dealers antipathiques et on sent bien que la drogue, c'est mauvais pour la patrie. La cigarette aussi.
[.......] Le bébe qui ressoude la famille en remplaçant le sexe, la cocaine. la cigarette et la solitude. Sujet miraculeux, le scénario de Coline Serreau ne pouvait que séduire les Américains, avec le plaisir supplémentaire et pas méchant de faire passer notre modèle pour un brouillon .
[.........]

Jean-Luc Macia, La Croix, 17 février 1988
[..........]
Le tout [.....] est passé à la moulinette hollywoodienne. Le générique chargé d'illustrer la vie amoureuse mouvementée des trois amis est un véritable défilé de mannequins pour une revue BCBG. La soirée entre amis du film français se transforme en une gigantesque party avec 300 invités branchés. Et l'intervention de la police dans l'affaire de droque mobilise une dizaine de voitures sirènes hurlantes et une brigade complète.

Pourquoi pas? Quand on a de l'argent, il faut bien le montrer. Le film y gagne une certaine efficacité et une dimension spectaculaire. Mais il perd aussi une partie du charme relatif qui émanait de celui de Coline Serreau.

Anne de Gaspéri, Le Quotidien de Paris, 17 f´´vrier 1988
La première demi-heure est carrément insupportable. C'est une introduction fébrile à l'existence des trois célibataires qui se disputent le va-et-vient de leurs aventures amoureuses tellement stéréotypés qu'on est déjà las avant que Ie bébé entre enfin sans frapper dans un univers où l'on commençait à s'ennuyer fort. On est en etffet à mille lieues de la complicité plus subtile des trois garçons français que Coline Serreau avait caractériellement differenciée, chacun ayant une sensibilité et une philosophic de la vie et de la situation qui
avaient touché le public.
Seul le bébé, visiblement pas au courant de la première version, jouc son rôle avec une fraîcheur spontanée.

Berbard Genin, Télérama, 17 février 1988
[.........]
Disons que Trois hommes et un bébé est une copie conforme, à quelques détails près [.......] Mais la plus grosse différence, c'est surtout le parfum de dollars qui entoure le film, et le manque de sincérité des scènes où devrait affleurer l'émotion.
[....]
Finalement, Trois hommes et un bébé pose une bonne question: le public américain est-il vraiment incapable de saisir la frâîcheur d'un film à petit budget, venu de l'étranger, et joué par des acteurs qu'il ne connait pas?

Danielle Attali, Le Journal du Dimanche, 14 février 1988
[.........]
André Dussolier qui, au côté du producteur Jean-François Lepetit, assistait aussi à la rencontre avec Steve Guttenberg pense que " le remake est bien plus moraliste. Personnellement, je prèfère le film de Serreau."
[....]
Efficacité contre émotion. C'est un peu l'enjeu de ce couffin made in USA. Certains pensent que nous avons perdu au change. Explication: la rapidité des scènes gomme la transformation psychologique des personnages. D'autres, au
contraire, reprochaient à la version française des longueurs.

"Difficile d'avoir du recul, dit Roland Giraud. Je pense que notre couffin était plus émouvant. Mais les mêmes recettes fonctionnent aussi bien en français qu'en anglais."

Renée Bernard, L'Express, 12 février 1988
[.........]
La subtilité n'est pas le point fort de Nimoy, à qui on ne reprochera guère des silences évocateurs, des regards expressifs ou des allusions raffinées. Non, tout est dit, expliqué, démontré, outré. Circonstance aggravante, vous avez évidemment déjà vu Trois Hommes et un couffin. Dans ce cas, disons-le tout net: l'ennui fermera vos yeux avant que la fin de l'histoire les humecte quelque peu.
[...........]

Michel Slubicki, Libération, 22 décembre 1987
Par un découpage en scènes courtes et d'égale longueur (la forme du soap encore une fois), le réalisateur américain suggére un rythme qui ne se soucie guère des débats internes des personnages dont Coline Serreau a fait la matière de son film. Dussolier et ses copains ne sont plus les mêmes à la fin
du film. Tom Sellek et ses amis prennent des décisions, agissent, courent. Le dialogue est plus mince. Qu'il s'agisse de se débarrasser de la drogue ou de trouver des langes et des couches pour le bébé, ils ont la même attitude. Ils font leur devoir. C'est sans doute ce qu'attendait le spectateur-teléspectateur américain.