C'est un spécialiste de la science politique. Cela le différencie de l'homme politique, qui, lui, n'y conna”t rien et conserve, de ce fait, le monopole de l'éligibilité.

A l'opposé de son ami praticien, dont l'existence remonte à la nuit des temps, il surgit dans la seconde moitié du XXe siècle, avec l'explosion des sondages. Ces enquêtes, on le sait, permirent - permettent toujours - de vérifier scientifiquement ce que les inspecteurs des Renseignements généraux recueillent avant les élections aux comptoirs des bistrots.

A l'instar de celle des RGs l'activité du politologue reste donc largement cyclique et saisonnière. D'où son penchant pour la multiplication des consultations électorales, nationales, européennes, régionales, etc., pour l'utilisation fréquente du référendum d'initiative populaire et pour les périodes de tension, en particulier la cohabitation.

Ce foisonnement de scrutins aurait dž, en bonne logique, permettre le développement d'un fort secteur politologiste, bien utile en ces périodes de chômage. Or les politologues se comptent sur les doigts des deux mains (avec le succès des deux Duhamel - Olivier et Alain - que n'unit aucun lien de parenté, on crut même, tout un temps, que la politologie constituait une charge familiale). Il n'existe qu'une explication à cette rareté: littéraires à l'origine, ils durent se muer en mathématiciens, tout en enrichissant leur culture sociologique. historique, géographique et juridique. Ce n'est pas à la portée de n'importe qui.

Mais, au fait, quelle est l'activité exacte du politologue ? Comme pour son voisin l'économiste, en particulier, ou d ailleurs le Français en général, Raymond Aron, qui rigolait volontiers, aurait sans doute répondu: Ç La prévision à posteriori È (spécialité dans laquelle notre ma”tre nous voyait recordmen du monde). Foin de la rosserie. Sans les politologues, nous perdrions confiance. Seuls à savoir que le pire n'est pas sžr, ils nous expliquent, de façon paisible, nos errements passés. parmi lesquels ils décèlent toujours l'étincelle de l'espoir. En sondant les générations montantes, ils nous rassurent: nos âneries, personne ne les commettra de nouveau. La France est un lac calme que frise parfois un mauvais vent. Pas plus. Quand cliquettent les épées, le politologue, ce pacificateur, sort sa fourchette.