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L'Express: 13 Mai 1993 > La Famille > Le catholique pratiquant

Le catholique pratiquant
Jacqueline Remy

Ç Tu peux le prouver, hein,que Dieu existe ? È Non. Si. Enfin, pas vraiment. Par moments, le catholique pratiquant se plongerait bien la tête dans le bénitier pour ne pas les entendre, tous ces mécréants. Marre de passer pour un zonard de la pensée scientifique, un ringard, un mystique, un kapo de l'ordre moral, et ça recommence: ÇLe pape est contre le préservatif. hein, et le sida ?È Avant. c'était plus simple. On subissait la messe en latin dans les vapeurs d'encens. On s'ennuyait un peu, mais on n'avait pas à se justifier. Tout le monde croyait en Dieu. Ou presque.

Aujourd'hui, quand un catho rencontre un autre catho, ils se comptent: 12 % des Français. Qui portent leur croix sous leur chemise et lisent l'Evangile du jour en catimini. Ç Je suis minoritaire, et j'en suis fier È, dit le fidèle moderne, avec un sourire gentil. Les églises ferment, les prêtres désertent. et alors ? Cela le gonfle d'ardeur. Sa foi, il l'a choisie. Il doit l'exprimer: Ç Je suis engagé È, dit-il. Pas question de réciter le Ç Notre Père È comme un automate. A la messe, il faut monter dans le choeur lire l'ép”tre, partager à voix haute ses intentions de prière et étreindre ses voisins passionnément. Après, il faut enseigner la catéchèse, préparer les fiancés au mariage, s'activer dans le caritatif, gérer le budget de la paroisse, faire du prosélytisme. L'Eglise a besoin de bras. Il y a du militantisme trés Çpremiers chrétiensÈ chez le catho moderne.

Il sait prendre ses distances, s'il le faut. avec la hiérarchie catholique. Avec le dogme aussi. D'accord, l'Eglise est contre le divorce, l'infidélité et la contraception. Il essaie donc de ma”triser ses élans du coeur et ses érections. Il avoue parfois, désarmant: ÇJe vis en liberté ma fidélité.È Fini le temps où on péchait, on se confessait et le Seigneur pardonnait. Aujourd'hui, le catho pratiquant entretient des relations très dialectiques avec Dieu: ÇJe resitue mon péché par rapport à l'amour qu'il me donneÈ, dit-il, avant de préciser: ÇL'Eglise ne juge pas les hommes.È

De quel châtiment aurait-il peur ? A l'image du Tout Puissant terrifiant il préfère Jésus. dont il parle comme d'un pote. Il le retrouve à l'église, lorsqu'il cède à l'appel des cloches. Ou, mieux. en Çweek-end de réflexionÈ. dans une abbaye où il part annuellement comme en voyage de noces. ÇC'est une histoire d'amourÈ, dit-il. Et l'amour, hein, est-ce que ça s'explique ?