Monsieur le Rabbin, nous comptons sur vous pour la bar-mitsva du petit... Rabbi, David, mon garçon qui a 15 ans, il ne fait rien au lycée... Rabbi, ma fille ne trouve pas de travail... Est-ce qu'il y a encore de la place au cours de Talmud-Torah ?... Mon cousin de banlieue peut-il célébrer son mariage ici ?... Nous aimerions vous parler avant notre voyage en Isra‘l...

M. le Rabbin ne sait plus où donner de la tête. Sa famille se plaint de ne le voir qu'en coup de vent. Son téléphone est assiégé. Il assure trois offices par jour, les prières plus longues du shabbat, les fêtes. I1 répond à une demande accrue d'enseignement. Ce sera tout ? Non. Depuis quelque temps, son bureau est envahi de candidats à la conversion. Des goys amoureux, surtout, qui voudraient bien épouser la religion de leur futur conjoint. Ç Comment, vous qui n'avez que les 7 lois universelles de Noé à respecter, vous voulez vous astreindre aux 613 misvot des juifs !È lls sont fous, ces goys. Aujourd'hui, il recueille des loubavitch en perdition, torturés par le doute depuis que le Messie leur a fait faux bond. Sa venue annoncée ils l'ont attendue en vain jusqu'au dernier jour de l'année 5752, en septembre dernier. Bah, compatit le rabbin, nous en avons vu d'autres. Souvenez-vous de Sabbatai Zevi, il y a trois siècles. Grave, il le devient lorsqu'il évoque les synagogues bržlées ou les sépultures profanées -bouffées récentes d'antisémitisme en France qui traumatisent la communauté. Sa réponse: vigilance.

Un adjudant-chef se présente: il réclame une dispense de shabbat pour un appelé sous les drapeaux envoyé en manoeuvre. Impossible: un docteur de la loi juive ne peut exempter un croyant de ses devoirs comme le font les prêtres du catholicisme. Et la France n'est pas un bastion du juda•sme libéral, même si une femme rabbi est apparue dans le paysage. ÇElle ne doit pas se sentir très à l'aise...È Notre patriarche, lui, n'en menait pas large à ses débuts. Frais émoulu de ses études rabbiniques - cinq années de galère qui laisseraient des énarques sur le flanc - il prend ses fonctions dans une grande ville de province. Il a 25 ans, près de 300 personnes l'attendent au cimetière. Il se lance dans un hommage au défunt, bon époux, bon père, qui a tant fait pour sa communauté. Au sortir de la cérémonie, quelqu'un lui glisse: Ç Rabbi, vous avez bien parlé, mais le mort, voyez-vous, c'était une femme !È